Pour la médecine, le cri est à décrypter du côté du dysfonctionnement du corps. Un corps sain est un corps qui se tait ! Le cri est aussi perçu par le médecin comme un appel (« soulagez-moi ») et au-delà de cela un véritable défi (« trouvez ce qui me fait souffrir et guérissez-moi ; je veux être comme avant »). Le médecin possède les instruments d’investigation du corps qui devient transparent au regard. Il possède aussi le savoir sur le corps. Il travaille à traquer la « bestiole », à l’identifier pour mieux « la zigouiller »… C’est un combat contre l’ennemie-maladie qui s’organise.
C’est à cette attente que le médecin a à se confronter. C’est dans cette optique qu’il se situe quand le malade signale une douleur. « Je ne sais pas ce qui me fait mal, je veux savoir », « On n’a rien trouvé, tout est propre. Je ne sais pas quelle cochonnerie j’ai eue et ça m’énerve ». « Est-ce que c’est grave ? Vais-je m’en sortir ? Comment serai-je désormais ? »
Et là commencent les difficultés. Ce qui se présente comme un état des lieux, comme une estimation des chances des ennemis, dans la mesure où la guerre est déjà déclarée, devient dramatique quand les chances de gagner sont infimes. Alors le médecin peut choisir d’indiquer seulement la marche à suivre pour continuer le combat, en taisant l’état des troupes, en laissant en suspens la durée probable du combat et son issue.
Extrait de l’article du site Cairn de Marie-Françoise Zarrouati et Jean-Luc Sudres