Je me propose dans le présent travail d’aborder la question de la voix et de la pulsion invocante comme Lacan l’a nommée. Et pour faire travailler cette question, je vais me montrer moins scientifique mais plus récréatif. En effet, pour évoquer cet « être mythique » de la pulsion, mon chemin suivra moins le logos que justement la voie du mythos. Et elle consiste à suivre Ulysse dans son antique périple et dans sa rencontre avec le fabuleux de la voix. En effet, Homère, dans l’Odyssée, nous conte la rencontre d’Ulysse avec les Sirènes, et le pouvoir mortifère de leur chant.
Et si, comme nous le dit Lacan dans Télévision, « le mythe, c’est… la tentative de donner forme épique à ce qui opère de la structure », alors quelle consistance et quels enseignements l’Odyssée peut-elle apporter aux psychanalystes sur la voix et sa pulsion ? C’est que ce pouvoir de capture irrésistible sur autrui de la voix des Sirènes nous intéresse en tant que cliniciens, ne serait-ce qu’à voir comment les enfants autistes se détournent de la présence d’autrui, et notamment de la voix humaine. Comment comprendre ce pouvoir d’un côté de si grande attraction, et de l’autre de si grande répulsion de la voix humaine ? S’agit-il d’effets opposés résultant d’une même pulsion, comme un aimant peut, à l’égard de son objet, provoquer tout à la fois attraction et répulsion, simplement en inversant son champ ?
La voix des sirènes de Hervé Bentata
Lacan suit un long trajet dans son élaboration de la voix comme objet a, chemin qui part des voix dans la psychose, pour la formaliser après plusieurs séminaires comme l’objet de la « pulsion invocante » dans L’angoisse. Mais, formulée en tant que telle, la pulsion invocante donne lieu à peu de développements. Elle apparaît une première fois dans le séminaire Les quatre concepts où, à une question de Moustapha Safouan, Lacan répond ainsi : « Au niveau scopique, nous ne sommes plus au niveau de la demande mais du désir, du désir de l’Autre. Il en est de même au niveau de la pulsion invocante, qui est la plus proche de l’expérience de l’inconscient. » En outre, une occurrence indirecte se trouve dans le séminaire L’insu, inédit. En savoir +