Notre contribution n’a pas pour but de proposer une définition-smoking nouvelle de l’interjection qui, par sa stabilité et univocité, réglerait définitivement le problème définitoire posé par la multiplicité et la complexité des traits caractéristiques de ce type d’expressions. Notre objectif, beaucoup plus modeste, sera d’apporter, dans une visée cumulative, quelques éléments de réflexion nouveaux susceptibles d’éclairer le choix définitoire que l’on peut être amené à faire. De façon plus particulière, nous entendons uniquement montrer ici que réunir dans une même catégorie des interjections comme Aïe !, Merde !, etc., et des onomatopées comme Plouf !, miaou !, etc., n’est sémiotiquement pas justifié. Chemin faisant, se mettront en place des aspects spécifiques inédits du fonctionnement sémiotique des interjections qui permettront, du moins nous l’espérons, d’avoir une vue plus juste et plus précise sur le type de signes qu’elles constituent.
1 – Les onomatopées comme interjections
1.1 – Deux classes en intersection
Il nous faut d’abord montrer qu’il ne s’agit pas d’une question dépassée. On peut en effet nous objecter qu’il s’agit d’un faux problème, que nous nous inventons un adversaire qui n’existe pas ou plus, que depuis belle lurette l’on n’assimile plus les onomatopées à des interjections. Une chose est vraie : l’assimilation totale des onomatopées aux interjections (et inversement des interjections aux onomatopées) n’est plus de mise, comme le notifie la conclusion de Swiatkowska (2000, 44) : « Il est donc légitime de dire que la définition de l’interjection comme onomatopée serait réductrice. Ce terme ne correspond qu’en partie à l’interjection, parce que toute onomatopée n’est pas interjection et toute interjection n’est pas onomatopée ». Mais comme le montre également cette conclusion, il n’y a pas disjonction entre les deux catégories, mais bien intersection. Il y a des onomatopées qui sont des interjections et d’autres qui n’en sont pas, de même qu’il y a des interjections qui sont des onomatopées et d’autres qui n’en sont pas.
Extrait de Sémiotique de l’interjection de Georges Kleiber